Dossier thématique : « Entraîner et évaluer la compréhension de l’écrit »

Lire pour parler en français langue étrangère

, par Ursula Wolbert

En bref

Le présent compte s’appuie sur l’observation de trois heures de cours de français, langue vivante étrangère, en mai 2013 au lycée Werner-Heisenberg de Leverkusen en Q1, c’est-à-dire l’équivalent de la classe de Première depuis la réduction de la durée de la scolarité dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. Les élèves sont respectivement en 6e et 7e année d’apprentissage du français et ont trois heures hebdomadaires de 45 minutes : une heure le mercredi et deux heures le jeudi. Madame Wolbert, professeur de français, enseigne seulement depuis le début de l’année scolaire dans cette classe.

Le profil de la classe

Il s’agit d’une classe de 24 élèves de niveau plutôt hétérogène. Au début de l’année scolaire, certains refusaient de fournir un travail suivi, notamment à la maison. Au fil des semaines, les habitudes de travail se sont installées et des efforts réguliers sont fournis par quasiment l’ensemble de la classe, à quelques exceptions près. La plupart des élèves se situent à un niveau B2.
Probablement quatre élèves passeront dans un an le baccalauréat en français, soit à l’écrit, soit à l’oral.
Un des thèmes d’étude est le Québec.

La séquence mise en œuvre

Les trois heures de cours observées s’inscrivent dans une séquence consacrée à l’histoire du Québec dont le projet final prévoit la réalisation d’une frise chronologique par les élèves. Une évaluation sommative, dont il faut rappeler qu’en Allemagne, leur nombre est fixé par les instructions officielles, est également prévue (cf. document 7)

Le nombre d’heures de cours consacrées à la mise en œuvre de la séquence est de 7 (7 x 45 minutes).

Les supports de la compréhension de l’écrit en entraînement sont au nombre de 6. Quatre textes qui retracent l’histoire du Québec et qui sont extraits de l’article de Martine Paquin-Lienig « Je me souviens », un survol de l’histoire du Québec (Französisch heute 42/2011 p. 163-168) :
  Texte 1 : La Nouvelle France (1534-1759) ; La conquête anglaise de 1759 (cf. document 1)
  Texte 2 : La révolte des Patriotes et l’acte d’Union de 1840 ; La confédération canadienne ; L’industrialisation, l’idéologie du terroir et le repli sur soi (cf. document 2)
  Texte 3 : La Deuxième Guerre mondiale ; Maurice Duplessis et la grande noirceur (cf. document 3)
  Texte 4 : La Révolution tranquille ; D’un référendum à l’autre ; Quel avenir ? (cf. document 4)

Deux textes extraits de manuels :
  Un texte du chanteur Félix Leclerc à propos de la loi 101 qui fait du français la langue officielle au Québec en 1977, (cf. document 5)
  Un texte sur les référendums de 1980 et de 1995. (cf. document 6)

Les séances observées

Séance 1 (45 minutes)

Les élèves sont assis à des tables disposées en U avec deux rangées. La salle n’est pas équipée d’outils numériques, mais seulement d’un tableau noir.

Pour ce cours, les élèves devaient lire attentivement chacun un des quatre textes extraits du livre de Martine Paquin-Lienig pour être capables de le présenter à l’oral. L’attribution des textes a été différenciée, le texte plus accessible relatif à la période actuelle a été donné aux élèves plus fragiles. Le texte qui a été lu à la maison a été travaillé par la plupart des élèves : des phrases ont été surlignées, les mots inconnus ont fait l’objet d’une recherche personnelle….

Après avoir constaté que quatre élèves sont absents, le professeur commence par un bref rappel de ce qui a été fait au cours précédent et qui concerne notamment la stratégie de lecture qui consiste à survoler un texte informatif pour en dégager les informations essentielles. Après s’être assuré que tous les élèves ont fait le travail demandé, le professeur distribue à chaque élève de la classe un deuxième texte qu’ils n’ont pas encore lu et dont ils doivent prendre connaissance pendant quelques minutes pour en présenter les grandes lignes à un partenaire de binôme qui a lu ce texte à la maison et qui complétera la présentation par des informations détaillées. La tâche est expliquée plusieurs fois et quand le professeur demande si des élèves n’ont pas compris ce qui est à faire, personne ne se manifeste. Pour rechercher un partenaire, des élèves se lèvent spontanément, les binômes se constituent naturellement, l’agencement de quelques tables est modifié. En raison de l’absence des quatre élèves au cours précédent, les groupes des élèves experts sont un peu déséquilibrés, mais l’activité est malgré tout menée à bien. Quand le texte 2 a été présenté et que la présentation a été complétée par l’élève dont c’était le texte 1, les rôles sont permutés. Les élèves qui ont terminé recherchent un partenaire qui leur présente une troisième période.

Au cours de la séance, les élèves auront donc présenté au moins deux fois un texte différent relatif à l’histoire du Québec. Pendant les présentations, le professeur a été complètement en retrait. Il s’est contenté de passer de groupe en groupe pour s’assurer de l’avancement du travail et sa parole a été quasiment absente. C’est la parole des élèves qui a été prédominante. Tous les élèves se sont exprimés en continu plusieurs fois et, conformément aux pratiques instaurées dans cette classe, l’interaction personnelle entre les élèves s’est faite en français, notamment quand ils ont recherché un partenaire de binôme et ont demandé quel texte avait été lu à la maison. Lors des présentations, les élèves se sont exprimés à voix haute, mais suffisamment basse de sorte que le niveau sonore pour l’ensemble du groupe était tout à fait acceptable. Que ce soit dans leur prise de parole ou dans la gestion de leur double présentation, les élèves ont fait preuve d’une grande autonomie.

Pour le cours suivant, les élèves doivent compléter leurs notes prises lors de la présentation de la 3ème période et consigner par écrit leurs interrogations.

Séance 2 (2 x 45 minutes)

Comme sur les quatre élèves absents au cours précédent et présents lors de cette séance, trois n’ont pas lu le texte à la maison, ils doivent le lire pendant que les autres réalisent la troisième tâche prévue pour le début de la séance, à savoir la présentation d’un des quatre extraits de l’histoire du Québec, lu à la maison, à un élève qui ne le connaît pas encore et qui doit prendre des notes. Les présentations se déroulent dans les mêmes conditions qu’au cours précédent. Les rôles sont ensuite inversés et de nouveaux binômes sont constitués quand cela est nécessaire. Les élèves sont tous volontaires.

Au bout d’une trentaine de minutes, l’activité est interrompue par le professeur qui demande aux élèves quels aspects n’ont pas été bien compris et doivent être précisés. Plusieurs élèves interviennent spontanément et demandent des explications par exemple pour mieux comprendre « l’arrivée des Loyalistes qui fuient les Etats-Unis et s’installent au Canada, après l’indépendance des colonies américaines en 1776 ». Les informations historiques correspondantes sont apportées par le professeur qui rappelle à ce propos les limites de l’objectivité de ce type de texte. Des élèves réagissent également spontanément à des informations plus anecdotiques comme le fait que les Français aient envoyé pendant la période de colonisation des jeunes filles françaises orphelines au Canada afin qu’elles épousent « les jeunes Français qui sont déjà là » parce qu’il n’y avait pas assez de femmes en Nouvelle-France. Même si ces réactions ne concernent qu’une dizaine d’élèves, elles dénotent un intérêt réel pour le contenu du cours et un bon niveau de compréhension.

La deuxième partie de la séance est à nouveau consacrée à la compréhension de l’écrit. La moitié de la classe reçoit le texte du chanteur Felix Leclerc sur la Loi 101 et l’autre moitié le texte sur les deux référendums de 1980 et de 1995. Le texte de Felix Leclerc étant plus abordable, il est distribué aux élèves plus fragiles et le second aux élèves dont le niveau en français est plus solide. Au bout d’un temps de préparation d’un quart d’heure, chaque élève doit savoir présenter son texte en prenant en compte la réponse à six questions. Pour le texte plus facile, les deux premières questions concernent la compréhension des informations principales, la troisième plus générale demande aux élèves d’imaginer la réaction des Canadiens à l’instauration du français comme langue officielle et les deux dernières appellent une prise de position plus personnelle par rapport à la problématique du texte. La deuxième question relative au texte sur les référendums, plus difficile et distribué aux élèves de niveau solide, permet aux élèves de mettre en relation les informations comprises et de les interpréter. Pour répondre à la troisième question, ils doivent imaginer la réaction des Canadiens anglophones. Quant aux deux dernières questions, elles ne leur demandent pas seulement d’exprimer un point de vue personnel, mais exigent également qu’ils fassent appel à leur connaissance du Québec pour pouvoir y répondre.

La phase de mutualisation orale des informations relative au premier texte, puis au second est réalisée en plénière. L’activité fait à nouveau apparaître un intérêt réel des élèves pour les problématiques soulevées et plus particulièrement celles liées aux avantages du bilinguisme. Un débat naturel s’instaure entre les élèves qui expriment le besoin de donner leur avis. Souvent plusieurs élèves veulent intervenir et réagir aux interventions de leurs camarades et le professeur doit instaurer des tours de parole. Les élèves absents au cours précédent se sont impliqués activement dans les débats. Lors de cette phase de mise en commun, pratiquement tous les élèves se sont exprimés.

La fin de la séance est consacrée à la présentation du projet final : la réalisation d’une frise chronologique personnelle retraçant l’histoire du Canada. Il est rappelé qu’il est inutile de recopier une frise qui pourrait être trouvée sur internet. Comme les élèves avaient déjà été informés du projet final lors de la séance précédente, une élève a déjà réalisé une frise qu’elle vient montrer à la fin du cours à son professeur. Les élèves qui le souhaitent pourront envoyer au professeur leur réalisation sous forme numérique ou le remettre au prochain cours. Elle sera corrigée et rendue avant l’évaluation écrite (documents 9, 10 et 11). Par ailleurs, les stratégies de lecture des élèves au cours de la séquence ont fait l’objet d’un questionnaire (document 8).

Comment lire des textes informatifs en cours de langue vivante étrangère ?
Les trois heures de cours observées ont permis aux élèves d’investir personnellement le sens de plusieurs textes relativement ambitieux qui ont suscité leur intérêt. Le lycée allemand reste certes plus sélectif que le lycée français et seulement 35,1 % des jeunes scolarisés en Allemagne ont obtenu le baccalauréat en 2013 . Les pratiques d’évaluation diffèrent également avec prise en compte de l’implication dans les activités orales pour la note du baccalauréat.

Néanmoins, ces observations montre qu’en compréhension de l’écrit, il est possible de :
  greffer des activités d’oral qui ont un réel enjeu communicationnel et qui impliquent les élèves à partir de la compréhension de textes,
  sortir du cours frontal ou dialogué,
  différencier les tâches,
  favoriser l’appropriation lexicale
  fédérer une séquence axée sur la compréhension de l’écrit par un projet final qui ait du sens et permette le réinvestissement des compétences et connaissances
  rendre la compréhension de textes informatifs au contenu riche vivante et motivante pour une réelle appropriation et réutilisation pertinente de connaissances culturelles.

Documents joints

  • Document 1 à 4 : quatre extraits de de l’article de Martine Paquin-Lienig « Je me souviens », un survol de l’histoire du Québec (Französisch heute 42/2011 p. 163-168)
  • Document 5 : Un texte du chanteur Félix Leclerc à propos de la loi 101 qui fait du français la langue officielle au Québec en 1977
  • Document 6 : un texte sur les référendums de 1980 et de 1995 de Radio Canada
  • Document 7 : Evaluation sommative « Ottawa ahuri par l’ignorance des Canadiens »
  • Document 8 : Résultats du questionnaire anonyme sur les stratégies de lecture des élèves pendant la séquence
  • Document 9 à 11 : trois exemples de frises chronologiques réalisées par les élèves

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