Stage en entreprise de 3ème en Allemagne

, par Sabine Lenhardt

La présentation du projet

Depuis neuf ans, j’organise au collège Pablo Picasso des stages en entreprise pour des élèves de 3ème germanistes à Baesweiler. L’idée de ces stages m’est venue en 2004 quand j’enseignais au collège Les Hauts Grillets à Saint-Germain-en-Laye, un collège à sections internationales où mes élèves partaient faire leur stage à Rome, à Varsovie ou ailleurs. Quand j’ai été mutée à Montesson au collège Pablo Picasso, je me suis dit : pourquoi mes élèves germanistes n’effectueraient-ils pas leur stage à l’étranger, plus précisément dans la ville jumelée de Montesson, à Baesweiler, près d’Aix-la-Chapelle, accessible en Thalys en deux heures et demie ?

Le point de départ de mon projet était l’amitié franco-allemande : un jumelage vivant entre deux villes avec un échange entre deux établissements scolaires. Ainsi, au cours de la présente année scolaire, ce sont 58 élèves allemands et français qui se sont rencontrés à Baesweiler au mois d’octobre, durant neuf jours, dans le cadre de l’échange. Durant ce séjour, certains élèves ont fait des démarches pour avoir un stage dans une entreprise allemande. Mathilde, très autonome, a par exemple elle-même contacté un vétérinaire, s’est présentée et a obtenu son stage. D’autres ont été accompagnés par moi pour faire leur demande, respectivement auprès d’un médecin hospitalier, d’une directrice d’école maternelle et d’un pharmacien. Et au retour en France, ce sont 16 élèves qui se sont déclarés candidats pour un stage en Allemagne au lieu des 12 initialement prévus, sachant que j’ai refusé un candidat pour cause de niveau insuffisant en allemand. La motivation de ces quatre garçons était certainement aussi l’envie de revoir leur correspondant.

Un jumelage vivant : c’est essentiellement la mairie de Baesweiler qui cherche tous les ans des lieux de stage selon les souhaits des élèves. La transmission des conventions de stage remplies par les chefs d’entreprise allemands a parfois lieu au marché de Noël de Montesson où la mairie de Baesweiler est représentée et dispose d’un stand. Et à la fin de leur stage, le maire de Baesweiler réunit les stagiaires à la mairie pour dresser avec eux un bref bilan.

Le stage se déroule du lundi au vendredi. Les lieux en sont très variés : pépinière d’entreprise, bibliothèque, pharmacie, hôpital, piscine, cabinet vétérinaire, école maternelle, le Gymnasium (en qualité d’assistant de français, muni du carnet de correspondance et d’un diaporama présentant son collège), mairie, journal, hôtel-restaurant, etc. Tout ce qui concerne le commerce, a dû être écarté car il s’est avéré que les tuteurs, dans les différents magasins (jouets, vêtements, livres, pâtisseries, …) n’étaient pas assez disponibles durant la période chargée précédant Noël. Le stage est régi par une convention que j’ai traduite en allemand (en deux versions dont l’une pour les élèves en-dessous de 14 ans). Les élèves effectuent le voyage en train direct. Ils sont regroupés dans la même voiture mais sans accompagnement adulte. Ils partent le dimanche et reviennent le samedi après le stage. Ils sont logés chez leur correspondant. Les familles allemandes se montrent ainsi très hospitalières en acceptant ce deuxième accueil avec toutes ses contraintes (familiarisation du stagiaire avec les lieux, impliquant souvent le fait de conduire, tous les jours, le stagiaire à l’entreprise). Certains parents font même visiter à l’élève leur propre lieu de travail. Ainsi des liens se tissent et parfois les parents français invitent par la suite les parents allemands chez eux et des amitiés durables naissent à cette occasion. Je pense par exemple à Delphine qui a vendu, dans le froid, au marché de Noël d’Aix-la-Chapelle, des chaussettes de laine et qui a gardé le contact avec sa famille d’accueil, l’invitant à Montesson et réciproquement.

Dans les entreprises, les élèves sont encadrés par leur tuteur. Ma collègue allemande avec laquelle j’organise l’échange depuis des années, se déplace le lundi ou le mardi dans chaque entreprise pour régler d’éventuels problèmes de démarrage. Au cours de la semaine, je contacte moi-même, par téléphone ou par mail, les tuteurs et les élèves, afin de vérifier le bon déroulement du stage et recueillir leurs impressions.

Pour ce qui est de l’encadrement proprement pédagogique, il commence en 4ème, lors d’une visite d’un ou de deux anciens stagiaires qui relatent leur expérience et répondent aux questions des élèves. Puis en 3ème au mois de septembre, les élèves rédigent une lettre de motivation en allemand en bonne et due forme. En cours, ils traitent quelques situations courantes dans une entreprise en travaillant essentiellement la compréhension orale et l’assimilation d’un vocabulaire spécifique (par exemple au moyen d’une interview authentique – par mail- du mari d’un professeur d’histoire-géographie en déplacement à Berlin). Dans deux séances de travail différencié, je prépare le groupe des futurs stagiaires en Allemagne aux questions qu’il faut poser afin de pouvoir rédiger leur rapport de stage. Après leur stage, les élèves écrivent une lettre de remerciement au tuteur et une rédaction qui résume leur première expérience professionnelle. Et, cette fois en langue française, ils remplissent un questionnaire concernant leur stage, rédigent leur rapport de stage et le soutiennent devant un jury.

Les parents français sont, eux aussi, impliqués dans ce projet. Lors d’une réunion conviviale autour des « Printen », « Stollen » et « Spekulatius » début décembre, ils ont l’occasion de partager leur propre vécu concernant l’utilité des langues étrangères, d’expliquer aux jeunes en quoi cela leur a servi d’avoir appris l’allemand ou l’anglais. Ainsi un père de famille leur a dit cette année : Certes, la plupart des négociations se font en anglais mais entre plusieurs postulants, celui qui a des bases en allemand et arrive à créer ainsi un lien, obtiendra le contrat.

Il reste encore beaucoup à améliorer : en premier lieu, la réciprocité. Cette année, nous avons eu pour la première fois une demande de la part d’élèves allemands concernant un stage en France. En effet, les élèves de Baesweiler effectuent en seconde un stage en entreprise qui dure deux semaines. Ce serait un moyen idéal pour garder le contact avec le correspondant au-delà du collège. Plusieurs parents français, très satisfaits de cette expérience de leur enfant, ont proposé d’accueillir un correspondant dans leur propre entreprise. Par contre, la résonance côté allemand, ne semble pas très importante, d’abord parce qu’à ce niveau, deux ans avant le baccalauréat, les élèves préfèrent choisir un lieu de stage qui correspond à leur projet professionnel en Allemagne. De plus, le Gymnasium de Baesweiler organise, depuis longtemps déjà, en Première et pour les bons élèves du « Leistungskurs Französisch », un stage à Montesson pour lequel un professeur allemand se déplace afin d’assurer un meilleur encadrement des stagiaires.

Ce stage en entreprise est donc pour les élèves une expérience enrichissante qui leur permet de devenir plus autonomes et de mûrir, hors du cocon familial. Il leur procure un aperçu du monde du travail, vision enrichie par une comparaison entre la France et l’Allemagne si proches et si différentes. Le stage leur permet également d’avancer dans la définition de leur projet professionnel. Océane par exemple a pu impressionner le jury d’admission d’un lycée hôtelier très côté quand elle a raconté qu’elle a fait son stage d’entreprise dans un hôtel-restaurant en Allemagne. Et Jugurtha, après avoir assisté à de nombreuses opérations dans un hôpital, sait maintenant que « chirurgien » sera bien sa voie.

Sabine Lenhardt
Professeur d’allemand

Le film

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