« Entraîner, évaluer la compréhension orale »

Quelle place pour l’engagement physique dans la compréhension de l’oral ou comment comprendre pour agir ? Stratégies d’écoute et dynamique de progrès

, par Christophe Vieu

Présentation de l’expérimentation

 Constat  :
En règle générale peu d’exercices mettant en jeu le corps sont proposés aux élèves, quels qu’ils soient, le constat de l’enseignant est souvent toujours le même : il y a la première fois en tout cas des réticences qui viennent de la gêne des élèves à s’exposer aux regards du groupe. Néanmoins, on observe que cette gêne disparaît assez rapidement, surtout si l’on commence par des exercices de compréhension impliquant un ou plusieurs groupes en même temps.
L’exercice de compréhension orale est souvent ressenti par les élèves comme un test moins « productif » que d’autres parce que souvent domine l’impression que la trace de ce travail est moins visible.
 Objectifs  :
Entraînement de la compréhension de l’oral en classe dans le but de stimuler autrement l’écoute et de vérifier la compréhension d’un message plus ou moins long en sollicitant l’engagement physique de l’élève avec l’objectif d’améliorer ses performances, mais aussi de le rendre physiquement plus réceptif.
 Niveaux visés : A1-B2, collège et lycée

La mise en œuvre de l’expérimentation

Outre la question cruciale du choix du document selon des critères d’accessibilité, ce sont les modalités de préparation de la phase d’écoute qu’il faut prendre en compte pour optimiser le travail de compréhension, et en particulier de mise en condition dans la mesure où elles peuvent stimuler les élèves et leur donner envie de comprendre ce qu’ils vont entendre. Nos élèves ne prennent une part active au travail en classe que si l’on a réussi au préalable à insuffler le sentiment que ce qui leur est proposé est susceptible de les interpeler ou de toucher leur sensibilité ou même de motiver chez eux une réaction, une prise de position, une envie de communiquer. Il est donc important de ne pas les rebuter en choisissant un mode de repérage à leur portée et de les mettre littéralement en situation d’écoute optimale après une phase de conditionnement ; et d’évaluer aussi au moment de la didactisation du document quel profit on peut retirer de cette écoute pour la suite du cours et dans quelle mesure elle s’inscrit dans une continuité.

  • Plusieurs pistes sont possibles pour réussir une séance de compréhension orale après avoir vérifié que la qualité sonore du document (interview, témoignage, montage etc.) ne fait pas obstacle au bon déroulement de l’écoute. On pourra ainsi, plutôt que de confronter directement l’élève sans préparation préalable à un document sonore inconnu, stimuler sa curiosité et le mettre dans les meilleures conditions d’écoute possibles en proposant un exercice simple de concentration et de relaxation qui servira littéralement de Vorentlastung  [1] sur un mode ludique. Un exercice de concentration peut se faire entre autres de la manière suivante : demander aux élèves de former un cercle et faire circuler de bouche en bouche (yeux fermés par exemple) un mot nouveau, puis un autre, dont on donnera en même temps le sens et dont la compréhension nous parait essentielle pour une bonne exploitation du document choisi et que chaque élève répètera à tour de rôle, pourquoi pas avec différentes intentions. On devra préciser alors que ces mots nouveaux dont le nombre sera forcément limité apparaissent dans le document sonore et que leur identification par l’élève est importante pour la bonne marche de l’exercice. Cette tâche de reconnaissance lexicale peut créer un enjeu supplémentaire au cours d’un exercice jugé souvent peu attractif par les élèves, voire rebutant.
  • D’autres moyens peuvent être mis en œuvre comme le travail oral sur un mot écrit dans un diagramme et qui permet de proposer un inventaire systématique autour d’une notion selon le principe de l’exploration d’un champ lexical. On peut aussi avoir recours à l’image ou à tout autre support pour introduire le document sonore et bémoliser le choc de l’écoute. Mais l’intérêt de tester la compréhension orale consiste bien à confronter les élèves à un message global nouveau qui doit être compris dans son ensemble (et dans certains de ses détails), et d’évaluer leur capacité à saisir un contenu qui recèle des difficultés de compréhension variables qu’il faut donc hiérarchiser. Ce travail de hiérarchisation des difficultés doit s’appuyer sur cette phase d’introduction au document sonore dont l’accès peut se trouver considérablement facilité par la mise en condition préparatoire.
    Cette phase de mise en condition peut aussi passer par l’installation d’éléments contextuels qui vont plonger l’élève dans une situation proche de celle évoquée dans le document.
  • Il s’agit-là d’un exercice relevant du travail théâtral de simulation. Ainsi, avant d’écouter un document sonore comportant des annonces d’horaires de départs dans une gare avec numéro des trains et destinations, pourquoi ne pas demander à chaque élève de déterminer avant l’écoute où (c’est-à-dire dans quelle ville d’Allemagne) il a choisi lui de se rendre et à quelle heure ? On le laissera tout à fait libre de déterminer sa destination et le moment de son départ. Sa tâche de repérage consistera à identifier où vont les trains cités dans ce document et à quelle heure ils partent.
  • Le recours au jeu théâtral avec ses nombreuses possibilités de création de schémas situationnels est un ressort important qui présente l’avantage de replacer l’élève au centre de l’activité d’écoute et donc d’améliorer son attention. L’élève devient véritablement acteur de son apprentissage. Cela suppose une part d’invention et de mise en perspective du document sonore qui est ainsi relié à la réalité de l’unité ou à la réalité de l’élève, fût-elle provisoire et purement théâtrale. On peut donc imaginer qu’une courte improvisation ou d’un jeu de rôles autour de la situation présentée dans le document sonore puisse servir de préparation à l’écoute.
  • Le mime est également préconisé dans ces exercices d’approche de la compréhension par le corps et la gestuelle. Une fois de plus le champ des possibilités est vaste. Il s’agit de faire énoncer des actions physiques connues des élèves et de demander à un autre élève/autre groupe d’élèves de jouer ces actions. On peut ainsi impliquer dans ce jeu plusieurs élèves à qui on donnera par exemple des prénoms en impulsant successivement une, deux ou trois actions que les élèves concernés devront mimer à chaque fois. Ce jeu qui permet de réactiver le lexique et de tester les acquis est très productif parce que ludique.
    La « restitution » par le langage du corps d’un court texte contenant une description sommaire est une autre possibilité de tester la compréhension de façon immédiate et divertissante qui garantit toujours une attention optimale. Par exemple, le professeur lira à voix haute le texte suivant :

    „Du bewegst dich als 3jähriger, als 3jährige,
    du bist mitten in der Trotzphase.
    Du besuchst den Kindergarten.
    Du spielst mit Puppen.”
     [2]

  • Si une préparation ciblée (expression de l’âge entre autres) a été faite en amont, l’élève attentif doit pouvoir comprendre sans difficultés qu’il doit « mimer » l’enfant en bas âge : chacun peut au moins comprendre une information essentielle et faire une proposition d’action physique. On peut proposer aussi dans le même genre le texte suivant :

    „Jetzt bewegst du dich als 79jähriger.
    Deine Glieder sind steif.
    Manchmal schmerzt der Rücken.“
     [3]

    A la fin de cette séance de mime qu’on peut étendre à d’autres types d’informations, on peut donner ces courts textes aux élèves comme modèle et leur suggérer de produire à leur tour des textes qui après correction pourront faire l’objet d’une lecture avec mime. La règle est bien évidemment que les groupes qui rédigent ne communiquent pas entre eux.
    On peut enfin impulser des actions physiques à tout un groupe et proposer par exemple deux « lectures » de ces actions physiques lues en continu par le professeur.
    „Du bist sehr müde, aber trotzdem läufst du, schnell, immer schneller… usw.“ [4] Ou bien encore : „Jetzt sprichst du mit deinem Nachbarn oder deiner Nachbarin…. Du möchtest ihn oder sie fragen, wie spät es ist…“ [5] Ces exercices sont simples et habituent les élèves à se concentrer en leur donnant enfin la possibilité de bouger en classe et de vivre la langue apprise à travers le corps tout en entraînant la compréhension de l’oral.

  • Dans le cadre d’un exercice de compréhension orale portant sur le repérage d’informations permettant d’avancer dans un parcours, on peut parfaitement imaginer créer une course d’orientation.
  • On peut aussi utiliser le dessin pour tester la compréhension orale. Inutile de trop insister sur cette proposition qui ouvre là encore des perspectives aux élèves que le test avec des cases à cocher peuvent rebuter. Il s’agit en effet pour certains types de textes d’impulser une « restitution » sous forme de dessin simple réalisé en fin d’écoute.
  • Enfin le recours à l’image ou au tableau « vivant » sont d’autres voies possibles. Vous pouvez proposer à vos élèves différents supports visuels comme des images ou des tableaux, mettons six en tout. Le professeur lit un texte et les élèves doivent associer ce texte à l’un des supports proposés. Il ne s’agit pas d’un texte décrivant cette image ou ce tableau, mais d’un texte qui s’y rapporte par ce qu’il évoque (monde urbain, mer, village africain etc.). Une fois que les élèves ont fait cet exercice, on peut lire un autre type de texte en demandant à un groupe d’élèves après la lecture de proposer un tableau vivant se rapportant à ce texte selon le même principe. On a ainsi donné envie aux élèves d’écouter et de faire une bonne et pourquoi pas belle proposition de tableau vivant. Dans une troisième phase, on pourra demander à un responsable du groupe de décrire en allemand ce tableau. Le professeur donnera alors aussi le texte lu et on pourra vérifier si les différentes propositions sont conformes au texte.

Bilan et perspectives

 On peut évaluer la compréhension orale autrement que par des grilles qui sont peu stimulantes, alors que la compréhension orale du fait même de son immédiateté requiert justement une approche qui stimule la concentration et mobilise toute l’attention. En tout état de cause le premier défi est de donner aux élèves de bonnes raisons de jouer le jeu, sans oublier d’autres aspects du document soumis à écoute, comme l’intérêt des informations qu’il véhicule et son niveau de difficulté. Par ailleurs, on l’a dit, rien ne nous interdit de préparer la séance d’écoute, à la fois en mobilisant physiquement les élèves ou tout simplement en leur proposant une aide lexicale. Il est important de toujours penser à la manière de présenter une activité : il faut créer une attente, stimuler la curiosité, donner envie… Si la manière de tester la compréhension orale est à la fois diversifiée et ludique le risque de se lasser de cette activité est moins important.
 On objectera que ces exercices et cette « méthode » sont plus difficiles à mettre en œuvre quand les groupes sont importants, d’autant que l’espace dont nous disposons est assez réduit. Néanmoins, si l’activité est dirigée rapidement et sans bruit, on peut aussi reconfigurer l’espace de la classe sans trop perdre de temps et déranger ses collègues. On peut du reste intégrer cet exercice de reconfiguration de l’espace dans son travail de compréhension orale en donnant à certains élèves selon des critères préalablement définis certaines tâches précises (les élèves nés aux mois de…. prennent les chaises etc.).

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Notes

[1procédé qui permet de lever les entraves

[2Tu bouges comme un enfant de trois ans. Tu es dans la période d’opposition. Tu vas à la maternelle et tu joues à la poupée.

[3Maintenant tu bouges comme un veillard de 79 ans. Tu as du mal à bouger et ton dos te fais mal.

[4Tu es très fatigué mais tu marches quand même de plus en plus vite etc.

[5Maintenant tu parles à ton voisin, à ta voisine. Tu veux lui demander l’heure...

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